Extraits


Au cinoche 

Le cinéma abandonné avait les allures surannées et insubmersibles d’une basilique en ruines.
La  marquise  penchait  d’un  côté.  Des  tubes  au  néon éclatés  déclinaient en lettres gigantesques : Le Barbizon. L’entrée avait été bouchée à l’aide de moellons, où se déployaient des fresques taguées en larges dégoulinades de couleurs criardes. Au premier étage, des planches en bois recouvraient les fenêtres. Au second, les rideaux étaient tirés. Les vitrines présentaient un quadrillage  infini  de  petits
autocollants  fluos.  Des  téléphones  roses.  Les encadrements prévus pour les affiches restaient, bizarrement,
vides et noirs. Les  colonnes  doriques  en  plâtre  ne supportaient  plus  rien.  Le  bâtiment marquait une certaine rupture avec la civilisation, au sein de la rue truffée de restaurants chinois et de bazars orientaux.
— Voilà voilà, triompha le propriétaire des lieux en arrivant au deuxième.
Sur la porte, quelqu’un avait écrit au pinceau LE CINOCHE. En-des-sous, le dessin d’un chameau en train de monter une
femme à gros seins.
— J’ai un ami artiste... C’est original, non ?